Le vent en poupe

En le voyant là , seul et perdu , on devinait rapidement que Replay n'était pas un des aïeuls de ces lieux . L'étalon noir se déplaçait avec lenteur et mollesse , regardant furtivement aux alentours dès qu'il pensait entendre un bruit . Mais personne ne prononçait jamais un traitre mot , bien sur , il était tout seul . Une fois de plus .. Qui aurait pu croire qu'il se retrouverait ici un jour , et seul qui plus est ?!
Le vent chassait le sable dans ses crins et rendait encore moins stable chacun des pas qu'il faisait sur la dune bouillante . Ses yeux étaient vides de toute émotion , même l'entière déception qu'il ressentait était impossible à percevoir . Pourquoi de la déception ? Parce que tout ce qu'il aimait s'était envolé ; en un claquement de doigt plus de proches , plus de repères , plus de popularité , plus de juments avec qui flirter , plus rien . Bien sur il comptait regagner tout ça , et il était déterminé . C'est d'ailleurs pour ça qu'il espérait que bientôt il rencontrerait quelqu'un , les liens , mêmes faibles sont les choses les plus utiles pour aspirer à être connu . Comble du hasard , il s'était retrouvé au beau milieu d'un désert , pas top pour faire la connaissance d'un cheval n'est ce pas ? Mais il croyait en lui et à sa bonne étoile , il allait y arriver .
Tout d'un coup il se sentait plus joyeux en retrouvant autant d'ambition , cela lui avait cruellement manqué durant les dernières semaines passées à se morfondre et à se reconstruire . Désormais il était dans un nouveau corps , un nouvel esprit , tout était neuf et cette machine de combat était prête à déclencher les hostilités ...

Lorsque le crépuscule s'était levé, Earp avait pris le chemin du désert, bien décidé à chercher la moindre parcelle d'eau. Il n'avait pas eu le choix que d'entreprendre ce chemin, puisque pour arriver à la plage, il fallait passer par cette immense plaine ocre. L'ébène n'avait pas d'affinité particulière pour le sable et encore moins pour la chaleur qui commençait doucement à s’imposer sur sa robe sombre. Les couleurs comme la sienne avaient le don – au plus grand regret du mâle – d’attirer la chaleur. De fines gouttes de transpiration commencèrent à tomber le long de ses épaules pour s’échauffer sur le sol aride. La brise chaude aggravait la respiration du mâle qui toussait par moments pour dégager le poids de celle-ci dans ses poumons. Il secoua son encolure pour se rafraîchir un peu, mais le soleil de plomb n’arrangeait rien. Il se mit à grimacer et puisa au fond de lui assez de courage pour continuer. Au loin, l’horizon s’étendait et pas la moindre forme de vie n’apparaissait au loin. La solitude était sa seule compagne au milieu du désert. Un long soupir s’échappa de ses lèvres sèches et il s’arrêta, épuisé. Il laissa ses membres se plier sous son ventre et il ne tarda pas à rejoindre le sable chaud. Il posa sa tête contre le sol. Il ferma doucement les yeux, essayant de chercher de la fraîcheur sous la matière brûlante. Des vautours se mirent à tournoyer autour du noir, lançant des cris à hérisser le poil. Earp sursauta et lança un regard électrique aux volatiles. Un hennissement, rauque et menaçant, sortit de sa gorge. Il dévisagea les oiseaux de malheur qui commençaient à s’éloigner face à son avertissement. L’étalon n’aimait pas être dérangé, même s’il était en position de faiblesse. Il reprit sa position initiale et trouva suffisamment de frais pour se reposer un peu.
Quelques minutes plus tard, des pas se firent entendre à travers la dune. D’un bond, le mâle se releva et regarda dans la direction par où les pas venaient. Son regard se posa rapidement sur une forme équine. L’individu semblait dépiter et avait les yeux perdus dans ses pas. Un sourire s’afficha sur les lèvres du Sarraia qui se mit sur ses quatre membres et achemina son ascension vers l’autre étalon.
À quelques mètres de celui-ci, Earp s’arrêta. Il ne voulait pas tellement savoir pourquoi l’individu était dans ses états là, mais peut-être que le simple fait de lui demander les rapprocheraient un peu et peut-être que leurs relations évolueraient suffisamment pour apporter quelque chose de bon pour le noir. Il le salua en s’inclinant légèrement.

« Quelque chose ne va pas ? »

Demanda-t-il. Il porta un regard sincère – mais faux – à l’autre mâle, bien décidé à savoir ce qui chagrinait ce pauvre étalon. Il espérait qu’il déballerait son sac à un parfait inconnu.