On m'a toujours dit : « Ma fille, tu deviendras grande. Tu feras chavirer les cœurs, mais le tien subira de multiples blessures. Tu guériras de toutes avec le temps, de la force et l'audace. Puis tu trouveras enfin celui qui te convient et avec qui tu vivras une éternité. Tu auras l'impression que vous êtes seuls, face au monde entier. Tu aimeras ça et tu voudras faire des tas de choses avec. Des enfants, des retrouvailles, des aventures. Tu te crèveras le cœur, tu mourras de fatigue, tu perdras tes poumons plus d'une fois. Mais tu continueras, encore et encore, jusqu'à ce que tu tombes sur quelqu'un qui t'ouvre les yeux sur ta relation. Qui te feras comprendre que tu t'es emballer trop vite et que lui ne pense pas forcément pareil que toi. Tu seras déçue. Tu pleureras les nuits de pleine lune sous un saule que tu trouveras réconfortant. Tu te laisseras aller à tes envies et chériras tes descendants comme jamais. Tu trouveras quelqu'un pour noyer ta peine et oublier ton chagrin. Tu l'aimeras, un peu moins que le dernier. Tu seras difficile et réticente, mais il t'aimera mieux que le précédent. Il te montrera son amour par des preuves, oubliant les belles paroles qui ne servent qu'à mettre de la poudre aux yeux. Vous danserez une valse endiablé et tu lui présenteras tes enfants. Il sera joyeux et les élèvera comme les siens. Tu seras enfin heureuse et, lorsque le jour viendra, tu t'abandonneras au creux de son corps, laissant le temps défiler autour de toi, sans ta présence. Sur ton visage, un sourire immobile sera là, figé pour l'éternité. »

Doucement, le soleil disparaissait derrière les collines. Les criquets et les grillons se mirent doucement à envahir les Landes, chantant leurs mélodies douces et réconfortantes. Une forme aux allures chavirées avait pris possession du lieu plus tôt dans la journée, où la chaleur battait son plein. Elle avait élu domicile sur Eldrethis depuis peu et ne regrettait pas encore son choix, pensant que c'était le bon. Ses vieux démons la suivait encore, la rappelant souvent à la réalité. La petite ingénu n'était pas comme les autres à cause de son passé et elle le savait. Ses faiblesses devaient jour après jour ses plus redoutables forces et elle apprenait doucement à former une sorte de bouclier pour se protéger des inconnus pour ne pas souffrir à nouveau, même si elle n'avait guère connue de douleurs aussi intense que la séparation avec sa mère depuis sa naissance. Les yeux ouverts sur le monde, elle avait su comprendre la souffrance des autres simplement en les regardant. Des fois elles étaient morales, d'autres physiques. La brune avait fait la rencontre d'un étalon meurtri par les siens, qui peinait à marcher et borgne. Elle l'avait trouver touchant, partageant avec lui quelques moments de bonheur. Elle dût s'en séparer rapidement à cause de l'arrivée des Bipèdes. Aujourd'hui encore, elle gardait le souvenir intact de cet être.

Un tapis d'étoile prit place doucement dans l'obscurité. Flowë plongea ses prunelles marrons sur celui-ci, oubliant quelques minutes les êtres qui l'entouraient. Elle se laissa aller dans ses pensées et ne remarqua pas, sur le coup, qu'elle n'était plus tout à fait seule...

C'est quand on est le plus vulnérable qu'on est le plus dangereux.

Altaïr galopait à vive allure à travers les landes, en direction du nord et des Bondissantes. L'été allait être chaud sur Eldrethis, et l'étalon bai espérait que les terres allaient se repeupler. La sécheresse avait fait fuir la plupart des chevaux. Plus trace de Second Serenade, Last Time, Bélerophon... Tous disparus. Altaïr se retrouvait avec un troupeau vide, qui n'existait que par son nom et l'espoir de son dominant d'être de nouveau. L'Exil renaitrait de ses cendres, l'ibérique n'en doutait pas. Jusqu'à sa mort, et jusqu'à la mort des descendants qu'il engendrerait, l'Exil sera.

Le vent souffla, apportant avec lui une odeur inconnue aux naseaux d'Altaïr. Il freina, en faisant s'envoler un nuage de poussière et se dressa, droit et fier, son regard se portant en direction de l'est. Il y avait un équidé non loin d'ici. Le puissant entier reprit sa course folle, se demandant à qui il allait devoir faire face.
Plusieurs possibilités se dessinaient à lui. Soit c'était un garrano, et dans le pire des cas, il y aurait un cadavre dans les landes de feu. Soit c'était un sarraia, et Altaïr espérait s'en faire un allié, pourquoi pas même un espion. Soit c'était une nouvelle tête sur Eldrethis Wrathful, et à ce moment là, il chercherait à le recruter.

Altaïr mit peu de temps à trouver le propriétaire de l'odeur inconnue. Il s'agissait d'une jument baie, pur-sang, fine et élégante, aux courbes raffinées. Taillée pour la vitesse, elle arborait une robe luisante au soleil, et des longs crins noirs, quelque peu roussis. L'ibérique avait des doutes sur son appartenance à l'un des troupeaux. Elle semblait plutôt bien connaître les environs, mais son attitude prouvait qu'elle n'était pas des Garrano. Sarraia peut être ? Il ne pouvait en être sûr, qu'après avoir échangé quelques paroles avec elle.

- Bonjour, petit oiseau.

Se balançant légèrement de droite à gauche, l'oiseau se laissa aller à son passé. Elle n'avait pas su remplacer sa mère depuis son départ et ce n'était pas demain la veille que ça allait arriver. La petite ingénue regrettait encore de ne pas l'avoir suivi, de ne pas avoir chercher à la retrouver. Elle aurait peut-être voulu voir grandir sa fille et la voir devenir ce qu'elle est aujourd'hui, un corps frêle qui inspirait la tendresse et l'amour. Elle aurait peut-être voulu la prévenir des dangers que regorgeaient ce vaste monde et lui épargner les blessures qu'elle avait subi sans sa protection. Elle aurait peut-être voulu cent choses pour sa descendante et la protégeait contre cent autres. Peut-être qu'au fond, elle avait voulu simplement abandonner la pur-sang à son triste sort, pensant sauver sa propre peau en vendant une autre. Dans ce cas, à quoi bon mettre au monde un enfant si on s'en débarrasse à la moindre occasion ? La brune ne pensait pas que sa mère était ainsi, la sur un piédestal quelques fois. Une larme vagabonde naquit dans ses yeux, vivat sur sa joue et mourut sur ses lèvres sèches.

Les Dieux seuls pouvaient être témoins de la tristesse qui remplissait le cœur du petit oiseau. Et seulement eux savaient si sa mère était encore en vie - ou non -. Les journées de fortes pluies caractérisaient le mieux sa peine à ce jour et elle espérait en secret que ces jours-là ne s'arrêtent jamais. Comme toute chose à son temps, bien vite le déluge s'arrêtait sans pour autant calmer le sien. Elle émit un faible soupire et un bruit de sabots tapant contre les petites roches des Landes la ramena à elle, douloureusement.

Tournant alors sa fine tête, elle vit une silhouette se dessinait sous ses yeux bruns. L'inconnu semblait appartenir à la gente masculine et n'échappa pas à la curiosité du petit oiseau qui se mit à lui sourire pour cacher sa peine dévoilée quelques minutes plus tôt. « Bonjour, charmant brun. » se contenta t-elle d'ajouter, sur un ton à consonance amical. La petite ingénue n'était pas farouche et encore moins agressive comme d'autres individus sur la contrée.

Altaïr penchait sa tête légèrement sur le côté, lorsque la jolie baie daigna tourner son doux visage en sa direction. Elle était vraiment belle, toute en légèreté, autant physiquement que dans son attitude. Déjà, l'ibérique cherchait à percer les mystères de son âme, et la scrutait de ses yeux bruns et dorés. Elle lui souriait, il en fit de même, amical. Elle ne semblait pas gênée, ni même effarouchée. Elle était plutôt à l'aise, voir très à l'aise. Altaïr s'avança d'un petit pas, redressant son encolure puissante.

"Charmant brun". Elle avait de la répartie, preuve de son aisance. Il courba quelque peu son long cou et laissa son regard chercher celui de la jeune inconnue, afin d'y plonger de tout son être.
Il se demandait encore d'où elle venait. Alors, il se disait qu'il n'avait qu'à lui demander. Après tout, elle n'avait pas l'air bien farouche.

- Sarraia... ?

Il lui semblait que lui dire "Vous êtes nouvelle ?" ne lui conviendrait pas. Alors, il avait choisi la deuxième option. Elle faisait partie d'un troupeau. C'était beaucoup plus plausible. Elle semblait assez posée et calme. Comme entourée d'un bouclier, d'une protection. La seule protection qu'offre un troupeau. Mais encore, il n'était sûr de rien. D'où le fait de sa question.
Altaïr espérait avoir vu juste. Il redressa sa tête et s'avança d'un autre pas, curieux de la voir d'un peu plus près, mais surtout pour s'assurer qu'elle acceptait sa présence autour d'elle, et que leur rencontre ne commençait pas sur de mauvaises bases.

Il lui souriait toujours, peut être même d'un air un peu trop diplomatique. Mais c'était un sourire tout de même.

Le petit oiseau laissa approcher l'inconnu, sans la moindre réticence. Son attitude pourrait paraître étrange et inhabituel, mais elle était toujours été ainsi, avec n'importe qui et ce n'était pas aujourd'hui qu'elle allait changer du tout au tout. Elle comptait rester authentique sur ce nouveau lieu d'habitation et rencontrait de nouvelles têtes pour s'en faire, pourquoi pas, de nouveaux amis. Elle n'avait pas encore emprunter le chemin de l'amitié avec un quelconque être durant sa fuite et elle était enfin prête à vivre cet expérience. Et pourquoi pas avec le bai ?

La question désarma l'ingénue qui guetta rapidement les alentours. Comment pouvait-il tomber aussi rapidement sur son troupeau ? Elle arqua un sourcil et déplaça ses hanches à l'opposé du bai, se mettant alors à sa perpendiculaire. Elle perdit peu à peu son sourire si familier pour prendre un air plus interrogateur.

« Comment vous l'avez deviner ? »

Les petites étoiles dansaient sur le corps luisant de la brune. Son fin toupet offrait à ces prunelles de l'obscurité et elle panacha doucement sa queue, typique de sa race. Masqué derrière les buissons, une autre âme rôdait, prête à attaquer à la moindre occasion. Brusquement, un grognement s'évapora dans l'air, menaçant. La pur-sang sursauta, profitant du rapprochement de l'étalon pour se blottir contre elle. Son corps frêle se mit à trembloter sous la peur que lui provoquait celui-ci. Elle tenta de cacher ses naseaux derrière l'épaule du mâle, sans grand succès. Son cœur lui disait de prendre ses jambes à son cou et de détaler le plus vite qu'elle pouvait, mais sa raison lui dictait de rester. Par respect et pudeur.

Aucune réticence, aucune prudence. Elle semblait incarner l'innocence et l'insouciance, la légèreté. Son sourire était un véritable délice et Altaïr appréciait la lueur de bonheur qu'il pouvait déceler dans le regard de la jeune jument baie. La question du dominant de l'Exil sembla la désarmer. Il eut un sourire amusé face à sa réaction, comme s'il la mettait à nu tout d'un coup, sans pour autant la blesser ou l'humilier. Elle se déplaça avec agilité, aux côtés de l'imposant étalon. Il la suivit du regard, tournant la tête pour l'avoir toujours en face lui, sans pour autant changer de position. Et alors, elle perdit son sourire.

La question de l'arabe fut décisive pour Altaïr. Il avait vu juste. Intérieurement, une partie de lui -la plus fière surement- était soulagée. Au moins, il n'aurait pas à essuyer cette petite erreur. Elle était donc de Sarraia. Cela semblait être un troupeau parfait pour elle. Dilatant quelque peu ses naseaux, Altaïr décida qu'il n'était pas très sympa de la laisser dans le doute. Il afficha un petit sourire et déclara d'une voix posée, haussant une épaule.

- Un coup de chance.

Et puis, un grognement retentit soudain. Un prédateur. La jument, apeurée, se cacha derrière le corps puissant d'Altaïr. Sans se préoccuper d'elle, l'étalon banda ses muscles et releva la tête, collant ses oreilles contre sa nuque. Il huma l'air et frappa le sol d'un de ses antérieurs.
Altaïr avait entendu parler des loups, venus se réfugier sur Eldrethis Wrathful. Si c'était l'un d'entre eux, il lui ferait mordre la poussière et lui passerait l'envie de résider sur ces terres. Car elles étaient bientôt siennes.

In my cocoon, predators do not exist.

désolé du retard

« Vous devez être énormément chanceux, dans ce cas. »

Virevoltant, la femelle se dégagea de l'emprise charnelle qu'elle avait elle-même créer en se collant à l'étalon. Elle ignorait tout du danger qu'elle encourait, n'ayant jamais réellement été confronter aux prédateurs dans son enfance. Elle acquiesça à nouveau un sourire pour masquer la peur qui grandissait au fond d'elle. Sous sa poitrine, son cœur se fendait et battait si vite que sa vitesse n'était plus mesurable. Elle panacha sa queue brune de pur-sang et se mit face au buisson qui s'agitait vivement. Bientôt, ils découvrirent à qui ils avaient à faire..

Et ce n'était pas un, mais deux loups qui prirent position devant eux. La petite ingénue se paralysa d'un coup, les yeux écarquillés. Ses muscles devinrent aussi froid que l'acier et elle ne put exécuter aucun mouvement, que ce soit d'attaque ou d'offensive. Son corps trembla à nouveau, plus prononcer que précédemment, ce qui n'échappa pas à la vue des prédateurs qui prirent un malin plaisir à grogner pour éveiller encore plus la peur chez la femelle. L'un d'entre eux portait des marques sur son pelage, sans doute le symbole de nombreuses batailles. Il paraissait plus vieux que l'autre et avait une certaine aisance à les regarder d'un air sombre. Peut-être était-il le loup alpha de la meute. Sans y prendre garde, la femelle jeta un coup d’œil au mâle.

« À mon avis, d'autres se cachent dans les fourrés et attendent le bon moment pour nous sauter à la gorge. Je sais pas pour vous, mais je préfère m'enfuir qu'attendre qu'ils se jettent sur moi et qu'ils me dévorent sans le moindre remords. »

Elle tenta par tout les moyens de défiger ses membres pour accéder à son vœu. Petit à petit, son courage lui permit de les déstabiliser, mais elle devait encore attendre la réponse du bai, même si son envie semblait surpasser le respect qu'elle lui vouait. Si elle se mettait à partir maintenant sans son accord, certains prédateurs partiront sans doutes derrière sa trace et les autres s'occuperont du mâle. Ils devaient partir ou rester ensemble. Ils devaient agir vite, les minutes étaient comptés.

Altaïr envoya son antérieur vers l'avant, lorsque les loups sortirent des broussailles. Emettant un ronflement, l'encolure ronde, les muscles bandés, la queue bien ne panache, l'étalon ne fuirait pas, surement pas. Les loups étaient un fléau pour les terres d'Eldrethis Wrathful, et ce qui l'était pour les terres, l'était aussi pour l'Exil. Il ne pouvait pas laisser les loups avancer plus loin dans le territoire, au risque que les prédateurs s'installent définitivement.

La présence de la jument aux côtés du dominant le pousser encore plus à faire face au danger. Altaïr n'était pas d'un de ces chevaux soumis et peureux, il était un dominant, adorateur de pouvoir et de puissance. Face à face, avec ces loups, il sortait tout l'attirail de puissance que Mère Nature avait bien voulu lui offrir. Quitte à ressortir avec quelques blessures, Altaïr mettrait fin à la vie de ces deux loups. L'idée de mourir ne lui venait même pas à l'esprit. C'était impossible, Altaïr ne pouvait pas mourir maintenant. Peut être était-ce arrogant, mais c'était ce qui lui donnait sa force.

- Nous n'attendrons pas qu'ils nous sautent dessus, petit oiseau.

Sur ces mots, l'étalon se dressa sur ses postérieurs et envoya ses antérieurs vers l'avant, en un bond élastique. Ce geste n'avait pas pour but de toucher les prédateurs, mais plutôt de les mettre en garde et de bien leur faire comprendre qu'il ne serait pas facile de l'abattre. Les loups grognèrent plus fort et Altaïr paradait encore plus haut, plus beau. Ses allures se relevèrent, et il piaffait en envoyant ses sabots vers les loups, sans aucun remord. Quelques coups de dents et de pattes, mais aucun n'osait toucher l'autre, pour le moment. C'était simplement de l'intimidation.

Altaïr ne s'abaisserait pas devant les loups, redoublant d'ardeur et d'arrogance face aux prédateurs. Et Khal ne fuirait pas face à des proies.