Terre longtemps imaginé, personne ne s’est encore réellement aventuré sur l’îlot. Beaucoup disent que c’est une terre à part, incomparable aux autres territoires qui ornent le pays d’Eldrethis Wrahtful. Le lieu sentirait le bonheur et le bien-vivre. Les prédateurs n’auraient pas leur place dans cet endroit idyllique. Ce serait un paradis difficile à atteindre car le chemin serait parsemé de danger. Mais ce n’était que les dires de certaines personnes qui rêvaient de ce milieu sans jamais avoir eu l’occasion de l’atteindre. Peut-être qu’aujourd’hui un être allait faire sa découverte, qui sait…

Le soleil était à son zénith depuis quelques minutes déjà lorsqu’une forme équine traversait le fleuve qui séparait l’îlot du reste du continent. Les poissons s’enfuirent à son arrivée, se réfugiant dans les eaux profondes. Les requins étaient trop loin pour l’atteindre et préférèrent le laisser passer. Lorsque la forme eut fini sa traversée, elle s’arrêta sur la plage de sable fin, sous un palmier qui semblait ne pas avoir été touché par la canicule. Malgré la chaleur omniprésente, une fine brise s’était levé pour rafraîchir la forme aventurière qui se désaltéré. Cette forme n’était qu’autre que Kelheim, un membre du troupeau de Garrano.

Avant d’entamer l’ascension vers l’îlot, le loup brun n’avait plus qu’une seule idée en tête : se déshydrater. Plusieurs jours durant il avait enduré le soleil brûlant et le manque d’eau, prenant sur lui pour ne pas paraître affaibli. Pourtant, au fond de lui, plus aucun espoir ne résidait. Il s’était habitué à ce manque d’eau constant, déglutinant un maximum pour ne pas ressentir cet envie irrésistible qui l’aurait anéanti en quelques minutes. En arrivant dans le fleuve qui le séparait de l’îlot, il avait pris son courage à deux sabots pour arriver à le traverser. Sa marche fût assez longue et il perdit pied plusieurs fois avant d’arriver à nouveau sur la terre ferme. Les poissons se mirent à nouveau vite à leur emplacement habituel, observant l’individu de leurs yeux globuleux. Kelheim plongea alors ses narines à la surface de l’eau et se mit à boire. Sa déshydratation dura un moment et une fois achevé, le bai se mit à soupirer de satisfaction. Il était enfin assouvi et heureux, ne ressentant plus aucun besoin particulier. Il posa donc son regard tout autour de lui, détaillant chaque relief que le lieu pouvait lui offrir. Le loup trouvait ce lieu particulier magnifique de tout ce qu’il avait vu jusque-là. La brise l’empêcha de transpirer à nouveau comme il l’avait tant éprouvé durant ces derniers jours. Bientôt, ses prunelles noires comme l’abysse tombèrent sur une silhouette équine. Il ne connaissait pas encore les  formes qui se dessinaient autour de celle-ci, pas même le visage qui commençait doucement à apparaître. Le prédateur se mit à sourire doucement, gonflant son poitrail en éprouvant de la fierté. L'inconnu allait bien être accueilli, je vous le dis.

Le loup est intéressé par ce nouvel individu. Mais pour combien de temps ?

Altaïr ne s'était que peu rendu sur ce petit îlot, un petit coin de paradis perdu au milieu du vaste territoire qu'était celui d'Eldrethis Wrathful. En cette belle journée d'été, il avait donc décidé d'y poser les sabots, histoire de prendre un peu d'air et de profiter des embruns de la mer. La chaleur était pesante, le soleil tapait fort et pour rejoindre Petite Terre, il fallait traverser un bras de l'océan à la nage.

L'ibérique se jeta donc dans l'eau avec joie et soulagement, sa robe fauve perlant de sueur, maintenant trempée jusqu'à la peau. Altaïr profita de la fraîcheur de la mer pour s'y immerger complètement, pataugeant, nageant et tournant un peu en rond dans l'eau. Ses muscles se détendaient peu à peu et toutes les courbatures qu'il avait connu ces derniers jours disparaissaient progressivement. Il fallait dire que l'eau était vraiment un merveilleux remède pour ce genre de problèmes de santé ! Un petit bain dans la journée, histoire de se dégourdir les jambes tout en se rafraichissant et s'en était fini des rhumatismes.

Ronflant de contentement, Altaïr se mit à nager en direction de l'îlot, après s'être détendu pendant une petite demi-heure. En quelques brasses, il atteignit le sable fin et blanc de Petite Terre. De bonne humeur à présent, il ne pensait surement pas que cette journée allait être gâchée par une simple odeur. A peine l'eut-il senti que tous ses muscles se contractèrent. Le dominant de l'Exil releva la tête et coucha ses oreilles contre sa nuque. L'effluve lui piquait les naseaux tellement il l'avait en travers de la gorge.
Lui ! Altaïr ne connaissait pas son nom, ni cet individu, mais il le détestait déjà pour ce qu'il avait fait. L'espion ! Il était là, quelque part sur cette île. Il le sentait, la brise légère lui apportait son parfum. Un frisson de dégoût parcourut l'échine du bai. Il prit le pas, à contre-sens du vent.

Très vite, il aperçut la silhouette de celui qu'il n'aimait déjà pas. Altaïr arqua quelque peu son encolure en renâclant, ses oreilles bien collées contre sa nuque. Pour sûr, que cette rencontre allait mal se passer. L'exilé avait des comptes à régler.
A quelques mètres maintenant, il pouvait dès à présent détailler le visage du garrano. Fier, arrogant. Mauvais. Altaïr releva la tête, fixant avec intensité l'inconnu. Il s'immobilisa à un peu moins d'une dizaine de mètres de lui et ronfla bruyamment.

- On s'est déjà croisé.

Froid, presque agressif. Son sang bouillonnait, et la colère lui montait à l'esprit. Mais il devait garder son sang-froid. Il ne devait pas se laisser aveugler. Altaïr banda ses muscles.

Presque sadique, un sourire orna le visage du Garrano qui voyait sa proie arriver en plein sur sa position. L'occasion était bien trop bonne pour que celui-ci lui tombe dessus pour profiter de son avantage sur l'inconnu. Celui de l'avoir déjà rencontrer auparavant, des mois plus tôt, sur la plage. Ce jour-là, il avait surpris une conversation entre celui-ci et un autre mâle, ce qui avait éveiller quelque peu sa curiosité. Le loup brun n'avait aperçu que les traits des deux individus mais il pouvait les reconnaître entre milles. Au fil de l'avancée du bai, il découvrait de plus en plus que c'était celui qui l'attendait. Ou plutôt redouter. Se rappelait-il de son odeur ? Avait-il vu son ombre filait entre les buissons ? L'avait-il vu, tout simplement ? Tenant le rôle de sentinelle des Aerandir à cet époque, le bai avait espérer avoir suffisamment semer de faux indices sur son trajet emprunté pour créer le trouble chez les deux étalons. Peut-être s'était-il surestimé, comme d'habitude.

Respirant l'air chaud à pleins poumons, il gonfla son poitrail et prit un air des plus fiers. Les étalons avaient dans son cœur une place de choix, inégalable avec celle des juments : celle situé au plus bas de son échelle de tolérance. Kelheim méprisait ses confrères masculins comme son père qu'il avait tué de son propre chef et sans remords. À leur égard, il n'hésiterait pas à tenir tête à l'un d'eux et à le rabaisser plus bas que terre pour lui faire comprendre qui est le patron. Il les estimait comme des rivaux, des ennemis à abattre. Tout en exécutant un bond vers l'avant qui lui valut simplement le balancement de sa crinière projetait vers l'avant, il mit un terme à l'avancée de l'autre étalon et planta son regard froid dans le creux du sien.

« Tu ne crois pas si bien dire. »

Sa queue se mit à fouetter l'air d'une telle violence qu'aucuns insectes n'essayaient, même de loin, de s'en approcher. Il abaissa doucement son chanfrein à l'horizontale de la position de l'inconnu pour prendre un air des plus mauvais. Un rictus narquois s'incrusta aux creux de ses lèvres désormais sèches. Au fond de ses yeux, une lueur presque plus sombre que ses prunelles se mit à jaillir. La même qui avait luit le soir du décès de son pauvre paternel.

Il paradait, faisait le fier, faisait le beau, le coq. Mais rien ne pouvait entamer la concentration et le sang-froid dont faisait preuve Altaïr. Il sentait que cette rencontre allait surement très mal se passer, et se préparer à un combat avec l'étalon brun. Ses muscles tendus, roulant sous sa peau, il fixait avec intensité son adversaire, nullement impressionné par sa carrure. Il savait qu'il était bien formé lui aussi, et au contraire de Kelheim, il ne faisait pas l'étalage de ses atouts.

L'autre fit un bond vers lui, et Altaïr ne broncha pas d'un poil, se contentant simplement de suivre son mouvement des yeux, ronflant quelque peu des naseaux. Sa tête se vidait peu à peu. Il n'avait plus rien à dire, l'autre savait ce pourquoi il était venu à sa rencontre. Parler ne ferait que retarder l'affrontement que l'ibérique savait proche. Le brun semblait comme affamé, s'en était même drôle. Altaïr étira ses lèvres en un fin sourire amusé.
Il ne sous-estimait pas son ennemi, mais il pensait, et peut être que c'était juste, que l'autre se croyait un peu trop au dessus de tout, au risque de tomber et de se faire très mal.

Kelheim se mit en place, et Altaïr ne patienta pas plus longtemps. Il se jeta sur le mâle, les dents en avant, et les oreilles maintenant collées contre sa nuque. Les muscles bandés, l'ibérique tenta de monter sur l'autre, afin d'attraper plus facilement sa jugulaire. Du coin de l’œil, il surveillait attentivement les mouvements de son adversaire. Le combat serait dure et éprouvant. Ce qui était sûr, c'est qu'aucun des deux ne laisseraient l'autre indemne.